
Le contexte
Une crise majeure est toujours révélatrice de dysfonctionnements profonds, structurels, de fautes commises (en général plus d’une), auxquels viennent s’ajouter un contexte délicat et cerise sur le gâteau, les décisions de communication :
• Celles qui ont été prises dans le « passé » et qui laissent des traces indélébiles pouvant revenir en boomrang.
• Celles qui sont prises pendant la crise, dans l’urgence et sous le coup de la pression et de l’émotion et qui ne sont pas toujours adaptées.
La Société Générale ne fait pas exception :
- Son histoire semble révèler un problème structurel de qualité et de fiabilité du contrôle, une question qui se pose à l’ensemble du système bancaire français si ce n’est international. Car comme le notent de nombreux experts, la fraude atteint de tels montants, qu’on ne peut pas imaginer qu’un homme porte à lui seul toute la responsabilité (d’autant qu’il ne faisait pas partie des hauts responsables de la banque). S’il a pu autant exposer sa banque, cela prouve des défaillances dans la chaîne de contrôle.
- Sur le chapitre des fautes commises, on notera celle qui a été mise en avant dans la communication, la faute d’un jeune courtier irresponsable… à qui l’on impute le trou de près de 5 Mrds €, il faut encore ajouter l’exposition de la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE aux subprimes qui explique le trou supplémentaire de 2 Mrds €, et là, on peut se poser la question de « la faute structurelle », c’est tout un système qui a conduit à la banque de s’exposer autant sur ces produits hasardeux ?
- Le contexte délicat, dans le cas présent, c’est la crise financière du subprime, décrédibilisation des institutions financières, c’est à dire un contexte d’hypersensibilité à toute mauvaise nouvelle sur le front financier. On n’est pas loin d’un sentiment de panique avec toutes les conséquences imaginables non seulement sur les marchés mais aussi sur l’économie (et par voie de conséquence, la vie sociale et politique).
Dans ce contexte de crise, les fautes, dérapages qui passent inaperçus dans la vie courante d’une entreprise, les profits importants permettant de lisser les « fautes », ont plus de chances de malchances d’être exposés au public au grand jour. D’abord parce que dans cet environnement, les institutions sont placées sous surveillance permanente, ensuite parce que la crise démultiplie l’effet d’un moindre dérapage. C’est le cas pour la Société Générale, en débouclant son opération un jour de déprime boursière, la banque ne pouvait qu’aggraver lourdement son cas, il faut croire qu’elle n’a pas eu le choix pour décider du timing du débouclage.
- Et la cerise sur le gâteau, c’est la communication « passée » de la Générale.
Daniel Bouton a payé dans cette crise d’une part, le fait qu’il a longtemps communiqué sur l’importance de la transparence, les bonnes règles de la gouvernance et du contrôle. Il est même l’auteur d’un rapport qui fait référence dans le domaine de la bonne conduite du monde bancaire. Dans ce cas, la chute est plus dure, car l’opinion est plus sévère à l’égard des dérapages de ceux qui se positionnent et symbolisent la morale, l’intégrité, le sérieux.
D’autre part, Daniel Bouton a payé le choix d’une communication volontairement « rassurante » concernant les subprimes. Depuis plusieurs mois, il répétait que sa banque était faiblement exposée au risque, soit il n’était pas au courant de la réalité, ce qui confirme une défaillance des procédures de contrôle et de remontée des informations, soit il s’agissait de langue de bois. L’espoir étant que les profits et la solvabilité de l’institution suffiraient à masquer les déconvenues liées aux engagements pris dans les subprimes : le problème serait noyé dans la masse de profits de la banque.
Le problème, c’est qu’en matière de communication, il faut veiller à son casier médiatique, tout ce que vous dites, peut se retourner contre vous. Affirmer que tout va bien, quand les faits démentent votre affirmation, porte un sérieux coup à la crédibilité d’un manager, c’est grave en particulier dans le monde de la banque qui repose largement sur la confiance.
Sachant que le problème était trop énorme pour pouvoir passer sous silence, Daniel Bouton a été contraint de communiquer et d’expliquer pourquoi, sa banque, qui se positionnait jusqu’à là comme peu exposée aux subprimes, se révélait la plus fragilisée de la place de Paris. Ce qui décrédibilise pour partie, dès le départ, le management de la Société Générale et génère une certaine suspicion, d’entrée de jeu, par rapport à son argumentaire de défense pendant la crise.
A suivre demain : analyse des points forts et faibles de la communication de crise de la SG
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