Quel est le point commun entre un primate qui simule une monte (copulation) et un autre qui communique sur Facebook ? dans les deux cas, ces comportements relèvent d'un même besoin, le grooming.
On a longtemps considéré le grooming comme un acte d'hygiène et de toilettage chez les singes, en fait, il s'agit d'abord d'un acte social (gestes d'attention aux autres).
Le grooming contribue à la paix des tribus primates car il permet de calmer les tensions entre individus et il permet à chacun de réaffirmer sa position dans la hiérarchie ce qui évite les conflits pour l'accés aux ressources : ils ne se battent pas pour de la nourriture ou pour une femelle, mais se contentent de prendre ce que à quoi leur statut leur donne droit. Ce n'est pas un hasard si les sociétés de singes qui se grooment le plus sont aussi celles qui enregistrent le moins de conflits .
Au plan individuel, le grooming est une vraie source de plaisir, les scientifiques ont montré que le grooming stimule la production d'endorphines, réduit le stress et booste le système immunitaire.
Dans certaines sociétés de singes comme les Bonobos, le grooming s'exerce de manière très "physique" : les primates simulent une monte, une copulation pour exprimer leur attention à un de leur pair.
Chez les chimpanzés,le grooming s'exprime sous différentes formes : s'épouiller, se caresser, s'embrasser, s'enlacer,se saluer, on peut échanger de la nourriture, se faire des dons (on s'éloigne alors de la forme physique du grooming).
Nous autres primates humains, nous portons toujours en nous l'empreinte de ce besoin qu'on pourrait qualifier de primaire.
Nous aussi saluons nos proches, embrassons nos amis, nos parents, nous nous faisons des cadeaux (nous nous recevons à dîner, offrons un verre, un café...) mais nous avons développé une forme de grooming bien spécifique à notre espèce de primates : le grooming verbal: "bonjour", comment ca va" salut"...nous nous groomons désormais sans nous toucher.
Ce besoin si fort en grooming explique en grande partie l'engouement pour des objets qui symbolisent pourtant la pointe de la modernité par exemple : le téléphone mobile. "comment ca va ? t'es où" , on a tous surpris ce type de conversation dans la rue, qu'on pourrait qualifier de totalement inutile. Alors que ce type de communication a son utilité, elle répond à notre besoin de grooming, c'est du grooming verbal.
Ensuite on a inventé le grooming électronique : l'envoi d'un message SMS pour dire "salut, je pense à toi" , on ne se voit plus, on ne se touche pas, on ne se parle pas, mais on communique par signaux électroniques.
On a fait encore plus fort, avec les réseaux sociaux sur le web comme Facebook par exemple qui compte plus de 60 millions d'abonnés, on peut se groomer virtuellement, non seulement en s'envoyant des messages écrits, des photos, des vidéos, mais on peut aussi s'envoyer des cadeaux virtuels (des fleurs par exemple), on peut se "poker" toute la journée (envoyer un message "de bonjour-coucou" numérique). On peut même envoyer en un seul click la même fleur à 50 amis ! le rêve, le grooming a atteint un stade industriel.
On peut néanmoins se demander si la frénésie autour de ces réseaux ne révèle pas une certaine frustration en terme de grooming, ces réseaux donnent l'illusion du grooming, mais il n'est pas certain qu'ils soient aussi efficaces au plan de notre système hormonal et immunitaire que le grooming physique traditionnel primate. Serait- on en manque de "toucher" ?
Ca pourrait expliquer le succès des professions qui proposent de nous "toucher" en tout bien tout honneur: les masseurs, kinesi, esthétique, shiatsu, sans oublier les sports qui impliquent qu'on se frotte, se touche (la lutte, taichi...).
Sur ce, je vous laisse, je suis en retard sur mon programme de grooming.
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